Vincent Keunen, fondateur et CEO d’Andaman 7, a donné au site www.digitalwallonia.be sa vision de l’e-santé. Nous reproduisons ici le contenu de cet article.
Qu'est-ce que l'e-santé ?
L'e-santé ou santé digitale recouvre l'utilisation des outils et de données numériques au service de la santé. Ce domaine recouvre notamment:
- le système de remboursements et de prescriptions (e-prescription);
- les résultats des examens médicaux (biopsies, imagerie médicale...);
- les échanges d'informations entre médecins, hôpitaux ou réseaux de santé, les données et services fournis par les applications santé et bien être, les appareils connectés (capteurs d'activité, tensiomètres, balances, glucomètres, ...) ou les dispositifs de télémédecine.
La digitalisation des soins de santé se matérialise notamment par une croissance de la masse des données numériques disponibles (Big Data) et de ses utilisations possibles, notamment en matière de diagnostic, de recherche et de prévention.
Un patient mieux informé
Que ce soit grâce à Internet ou aux applications de santé mobiles, le patient peut aujourd'hui être bien mieux informé qu'il ne l'était hier. Certes, la sélection des informations médicales les plus fiables ou des applications les plus utiles n'est pas toujours facile, tant la masse des données ou des outils est importante. C'est un fait: les patients sont aujourd'hui plus à même de comprendre les informations nécessaires à leur santé et de poser des choix éclairés, c'est ce que l'on nomme la Health literacy. C'est particulièrement vrai pour les affections plus rares. Aujourd'hui, le patient atteint renseigné peut finir par en apprendre plus que le médecin qui rencontre cette malade pour la première fois.
Un patient plus autonome
La digitalisation des soins de santé ouvre la voie à une médecine véritablement centrée sur le patient. Cette évolution est en adéquation avec les médecins désireux de voir leurs patients prendre une part plus active à leur traitement notamment par l'application rigoureuse du traitement prescrit . C'est aussi le reflet d'une proportion croissante de patients en quête d'une participation active au traitement de leur maladie. Ces derniers souhaitent plus d'informations, retrouver une forme de contrôle sur leur maladie et pouvoir discuter des traitements qui leur sont prescrits, c'est ce que l'on nomme l'empowerment, ou empouvoirement, comme disent certains en français. Plusieurs études montrent qu'un patient tenu informé, de façon détaillée et régulière, sur sa maladie et les traitements qu'il reçoit en tire des bénéfices cliniques significatifs, notamment en termes de qualité de vie. Bien entendu, cette démarche implique d'une part un intérêt du patient pour une prise en charge active, et d'autre part, plus de temps à accorder aux patients pour le médecin. L'utilisation d'outils digitaux facilite cette démarche en favorisant le dialogue patient/médecin pour optimiser le traitement. Certaines solutions permettent, comme Andaman7, à chacun de constituer son propre dossier médical portable, de l'enrichir d'informations utiles (résultats d'examens, vaccins, allergies, antécédents familiaux, données issues d'objets connectés). Ce dossier peut être consulté à tout moment et partagé de façon synchronisée avec le professionnel de santé de son choix.
Un patient mieux suivi
Aujourd'hui, la qualité de vie des patients (fatigue, appétit, vie sociale, douleurs, ...) est encore peu suivie de manière régulière par les équipes de soins. Ce retour n'a le plus souvent lieu que lors de la visite médicale et ne reflète en général que les deux ou trois jours qui ont précédé la consultation. On oublie vite les détails des semaines et mois qui précèdent... Les outils numériques vont permettre de dépasser la prise en compte des seuls résultats cliniques pour s'ouvrir aux informations rapportées par les patients. Cela donnera aux médecins une meilleure image des symptômes de la maladie et de son vécu pour un meilleur traitement.
Un patient mieux pris en charge à domicile
L'heure est aujourd'hui au raccourcissement des durées d'hospitalisation. Pour des raisons budgétaires et/ou de qualité de la vie, le retour plus rapide ou le maintien à domicile sont de plus en plus souvent privilégiés. Le suivi des patients à domicile est souvent un casse-tête pour le personnel soignant et les structures hospitalières. Aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies, un patient peut être pratiquement aussi bien suivi à son domicile qu'à l’hôpital. On parle de “trajet de soin”, qui inclut tant l’intra-muros que l’extra-muros, avec des solutions comme Awell Health par exemple. Des applications mobiles offrent, par exemple, la possibilité de créer une passerelle commune à tous les professionnels des soins et du soutien à domicile (médecins, infirmières, kinés,...) pour un meilleur partage de l'information et un meilleur suivi. Elles offrent aussi la possibilité d'enregistrer les paramètres cliniques du patient, via des dispositifs connectés et de rendre ces résultats consultables par le médecin ou par un centre de surveillance spécialisé fonctionnant 24h/24.
Un médecin mieux outillé
La complexification croissante de la médecine est devenue un défi pour les prestataires de soins. Plus aucun médecin, même spécialiste, ne peut aujourd'hui prétendre connaître tous les développements dans son domaine de compétence. Ici encore, l'usage d'outils numériques offre une solution en permettant le recours à des sources fiables d'information et d'aide au diagnostic. C'est, par exemple, le cas de l'outil OncoDEEP développé par OncoDNA. Grâce à un séquençage ciblé ou complet de l'ADN issu d'une tumeur, elle permet aux oncologues d'affiner leur suivi médical ou le choix d'un traitement selon le profil génomique de la tumeur du patient.
L'enjeu des données médicales
En théorie, les patients belges ont déjà accès à leurs informations médicales. En pratique, seuls quelques hôpitaux donnent réellement accès à ces données. À terme, ces informations devront cependant être légalement disponibles, comme l'a prévu la ministre Maggie De Block ainsi que le GDPR, en application dès le 25 mai. Les modalités d'accès varient selon les régions. Plusieurs concepts coexistent au sein de l'espace européen et dans d’autres régions du monde. Certaines initiatives visent à centraliser les données en un seul endroit. D'autres prévoient de donner accès aux données là où elles ont été produites par le biais de passerelles (c’est la notion de “réseaux fédérés” chère à un projet tel Insite de Custodix ou encore les réseaux santé belges). Les solutions “centralisées” posent cependant des questions relatives à la sécurité et au respect de la vie privée. D’où la tendance de plus en plus marquée vers des solutions décentralisées comme le sont les réseaux fédérés ou les applications mobiles ne stockant pas leurs données dans le cloud. Beaucoup de solutions centralisées ne permettent pas non plus au patient d'avoir une copie de ses informations personnelles et d'en avoir la réelle propriété.
Aujourd’hui, les solutions techniques existent et les règles de gouvernance sont claires. Les bonnes pratiques sont connues de tous. Mais on assiste toujours à une belle résistance au changement et une tendance à aimer se faire peur… ou faire peur aux autres.
Mais quand tout le monde travaille dans l’intérêt du patient, l’apport du digital nous permet de faire des bonds en avant dans la santé. Le collectif permettra de dépasser les limitations du cerveau humain individuel. C’est l’intelligence collective, mise à disposition de chaque individu par le digital… et bientôt la contribution de l’intelligence artificielle.
Belles années que nous vivons ! Puissions-nous vivre longtemps, et en bonne santé !
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